Un beau ciel bleu, une température idéale pour une fin de mois d’octobre et une course à shooter : le Marathon de Strasbourg.
Voila le pitch d’une histoire écrite en duo pour l’occasion.
J’ai emmagasiné de l’expérience en matière de photos de course à pieds depuis mes débuts en 2007 avec des courses couvertes pour un confrère vosgien « Pixel Foto ». Avec la démocratisation de la course à pieds, les courses sont de plus en plus nombreuses. J’ai ainsi eu l’opportunité de travailler en mon nom propre et comme salarié pour des structures spécialisées dans la photo de course à pieds au fil des années.
Fin du préambule.
Sprint Photo : une aventure en duo
Je rencontre un paquet de photographes. Des bons, des moins bons, des pédant, des humbles… Aujourd’hui, de toute façon, n’importe qui achète un reflex numérique, ajoute « photographe » à sa page facebook et propose de shooter des jeunes filles dénudées pour rien (« collaboration photographe-modèle » ou « CD contre shooting » qu’ils appellent ça – oui, oui, ils ont donné un nom pour ça, c’est mieux que « bénévolat pour se rincer l’oeil »). Et comme photographier, c’est tellement, fastoche, il n’y a qu’à appuyer sur le bouton…
Trêve de digression.
J’ai fait la connaissance du photographe Thierry Routier à l’occasion de rencontres sportives et le courant est très vite passé.
J’apprécie son travail et nous nous retrouvons sur la manière de voir notre métier.
De fil en aiguille, nous avons fini par monter une structure dédiée à la photo sportive, et la course à pied en particulier. De là est né Sprint Photo.
Premier gros sujet de la structure à peine née : le Marathon de Strasbourg.
Un marathon transfrontalier
Rapide topo : le Marathon de Strasbourg en est à sa 3è édition en 2014.
Il rassemble un peu plus de 2000 coureurs sur différentes épreuves : Marathon, Duo, Ekiden…
Particularité de l’épreuve : elle franchit la frontière et fait une belle incursion en Allemagne.
D’où son nom : Marathon Eurodistrict Strasbourg Ortenau.
Je suis familier de l’épreuve, elle fait partie des courses que j’ai couvertes en 2013 pour une autre structure en tant que salarié.
L’édition 2014 ressemble donc à un baptême du feu pour Sprint Photo.
Même si la toute jeune structure bénéficie du savoir-faire et de l’expérience de deux photographes rodés aux spécificités de la photographie sportive : Patrick Boehler et Thierry Routier !
Le travail de photographe sur un événement de ce type
Quel est le travail du photographe sur ce type de sujet ? J’en vois un qui lève le bras dans le fond… Oui ?
– « Ben, les coureurs arrivent, et il suffit de les prendre en photo. C’est facile aujourd’hui, avec le numérique… »
Bel effort d’explication de la part du Monsieur qui a sans doute déjà dans l’idée de rajouter « photographe » à son profil Facebook pour pouvoir reluquer des jeunes filles dénudées.
Mais je vais préciser un peu tout ça.
Les coureurs partent aux alentours de 9h du matin. Les premiers arrivent un peu plus de 2h30 plus tard. Avec eux commence la longue séance de shooting proprement dite…
Pendant plusieurs heures d’affilées (les derniers arrivent au bout de 5h30 d’effort), le photographe est donc en place, statique, et réalise des séries de portraits en cadence des flots de coureurs qui arrivent telle une gigantesque marée sans fin pour boucler leur marathon de Strasbourg.
Pourquoi plusieurs photos ?
Parce que le coureur peut avoir les yeux fermés, une attitude déplaisante, etc, etc. Il faut pouvoir lui laisser le choix.
Au fil des heures l’épaule s’engourdit, les doigts font mal, l’œil finit par couler. Le dos est en compote, les fesses sont douloureuses.
Enfin, les derniers arrivent dans les délais et je plie bagage avec un peu + de 4000 photos en boite.
Inutile de le dire, mais il faut être irréprochable à la prise de vue, essayer de shooter tout le monde, cadrer correctement, produire des images nettes, correctement exposées malgré le contre jour impressionnant de cette fin de matinée…
Pour tout ça, il y a le savoir faire et le matériel. Je jetterai au final 30 images qui étaient mal cadrées et 5 floues. Merci Nikon et son incroyable D4s monté sur un fantastique 70/200 dont les qualités ne sont plus à démontrer…
Alors ? Toujours aussi facile que ça de photographier une course à pieds ?
Le travail de photographe après ce type d’événement
Ayest, c’est fait, j’ai achevé mon marathon, je suis fourbu, cassé de
partout et je suis heureux d’être arrivé jusqu’au bout… Sauf que je ne suis pas coureur, et que malgré la fatigue et les douleurs physiques diverses, je dois enchainer sur la plus grosse partie du travail : le traitement des images.
Sprint Photo propose aux coureurs de trouver leurs photos parmi les presque 7000 images qui sont finalement ramenées de cette épreuve sportive.
Pour ce faire, le photographe doit donc attribuer des numéros de dossards dans les informations des photos pour que la recherche soit possible sur les serveurs du laboratoire professionnel avec lequel nous travaillons.
C’est donc un long et fastidieux travail d’édition et de renseignement qui se poursuit en rentrant du shooting et jusque dans la nuit.
Ayest fini ? Toujours pas ! Maintenant que ces photos sont exploitables, il faut les uploader (les « charger » en bon français) sur les serveurs du labo ! L’opération prend une journée et une partie de la nuit, vu la quantité de Gigas à transférer…
Ayest fini ? Presque ! Il faut maintenant communiquer sur ce sujet : faire tourner l’info et la faire partager pour que les coureurs décident de consulter, et d’acheter les images.
Et maintenant ? Ayest fini ? Oui, si l’on considère que répondre aux critiques formulées par les 3 seuls coureurs oubliés, et à ceux qui pensent que le prix demandé est excessif (ils ont toujours un copain photographe qui travaille à l’œil), et ceux qui auraient voulu une photo qui les rende moins gros ou moins fatigués ne fait pas partie du travail.
Bref… Beaucoup, beaucoup, beaucoup de travail. Mais beaucoup de plaisir à tenter de produire les meilleures images possibles pour que tous ceux qui ont terminé leur épreuve contre les km et contre eux-mêmes puissent en garder un souvenir photo.