Sur le tympan du portail central de la Cathédrale de Strasbourg se trouve « la gueule de l’enfer ».
C’est l’image de l’enfer. À ce niveau, se trouve un personnage réputé en Alsace : « Gamil Blosarsch ». Gros plan sur ces sculptures particulières et les légendes qu’on raconte à leur sujet.
Une porte de cathédrale n’est pas si anecdotique que ça…
Au centre de l’édifice se trouve le majestueux ensemble du double portail dit « de la vierge et des prophètes », surmonté du double gâble et de la grande rose occidentale.
L’iconographie des portail et la largeur du seuil invitent à la halte, à la contemplation et à la méditation.
La porte d’une cathédrale se rétrécit comme un entonnoir.
Par sa forme aspirante, elle exprime une idée que le processus engagé par le pèlerin pour accéder au Royaume divin se passe par étapes.
Il favorise la préparation du visiteur au passage d’un prochain seuil permettant l’entrée dans un autre plan de conscience.
La porte symbolise le passage d’un monde à un autre : du monde profane au monde sacré.
Les typans des portes ont un sens de lecture.
Et les statues qui composent la décoration ont une fonction d’illustration et d’enseignement.
La Gueule de l’Enfer : Judas, Adam et Ève, Satan, et le Gamil Blosarch.
Sur le tympan de ce portail central « de la Vierge et des prophètes » figurent des statues et sculptures qui renseignent le visiteur sur la passion du Christ. C’est à cet endroit que se trouve l’image de l’enfer ainsi que le fameux BLOSARSCH (littéralement « cul nu » en allemand et « cul qui souffle » en alsacien), réputé dans la région.
Mais revenons à la « Gueule de l’enfer » : une grande gueule ouverte symbolise l’entrée de l’enfer. On peut voir un condamné bouillir dans une marmite à la base de laquelle se trouve une énorme langue de feu.
Sur la gauche, Judas est représenté pendu à une branche d’arbre. C’est lui qui a livré Jésus aux prêtres du temple de Jérusalem. Ces prêtres ont réclamé sa mort auprès du gouverneur romain Ponsius Pilatus.
Derrière lui, un bouc ithyphallique (qui a un phallus en érection
À droite de la gueule de l’enfer, on peut voir Adam et Ève. Ève retient la main d’Adam sur son sexe, geste symbolisant le péché originel. Un petit garçon pose sa main sur la tête d’Ève dans une caresse. Ce geste représente l’attachement de l’enfant à la mère.
Le garçonnet se tient sur des fesses entrain d’uriner sur un anus étoilé : ce sont les fesses du Gamil Blosarsch.
Ce personnage est une allusion à un évêque qui abusait des enfants de chœur. Les pattes palmées de l’évêque sont un symbole de perversité. On aperçoit la figure grimaçante de l’évêque du côté gauche de la langue de feu.
Sous lui, le diable aux pattes de bouc, aux longues oreilles et à la barbichette retient sa tête en ricanant.
Incohérences, rénovations douteuses et interprétations foireuses…
Vous la trouvez sympathique et crédible, cette histoire que vous venez de lire?
Bon… Voici de quoi vous refroidir un peu et vous faire réfléchir à l’interprétation des symboles.
L’iconoclasme (destruction délibérée de symboles ou représentations religieuses) liée à la Révolution de 1789 a fait des ravages sur bien des monuments. La Cathédrale de Strasbourg n’a pas fait exception…
Et en 1793, elle subit son lot de dégradations. Une erreur s’est ensuite glissée dans la restauration de cette scène au 19è siècle.
Si vous regardez bien les statues, vous pouvez facilement voir les incohérences dans la constitution des personnages. Ainsi, dans la version médiévale, un petit démon est debout sur le cul d’un autre démon. Au lieu de quoi, l’imagier du 19è siècle a représenté un jeune homme nu et bien formé qui semble bénir Ève : image iconographiquement incompréhensible ! Que viendrait faire ce geste représentant l’attachement de l’enfant à la mère au mileu d’une représentation de l’enfer?
On note d’ailleurs que le « petit garçon » a une tête disproportionnée par rapport à son corps, et qu’elle ne représente pas vraiment un visage d’enfant.
Bref! Encore une fois, cet article se veut une invitation à lever les yeux et à comprendre les fonctions d’une cathédrale. Ici, j’ai voulu mettre en lumière la fonction iconographique de la cathédrale et le travail titanesque et admirable des tailleurs de pierre à travers ce « Blosarsch » bien connu. J’ai aussi voulu souligner les limites d’une interprétation qui se heurte aux réalités des restaurations successives, et à l’évolution théologique de la chrétienté à travers les siècles.
Il n’empêche! Maintenant, vous savez où se trouve le Blosarsch et vous pourrez raconter un tas d’histoires à son sujet…
Voici quelques photos légendées au mieux pour vous permettre de mieux digérer les informations concernant ce fameux Blosarsch perdu au milieu de la représentation de l’enfer.
bravo l’artiste d j l
Enfin le « Blossarch » réssuscité…Gamin je me posais plein de questions à son sujet et son mystère.Me voilà à 75 ans découvrant enfin le personnage grâce à vos photos légendées.Merci et un grand bravo;
C’est vous que je remercie, d’avoir pris le temps de lire cet article et regardé mon travail!
De la même génération que HOMMEL Roland, je me rappelle aussi de cette expression du temps de ma jeunesse, et sans en comprendre le sens! mais cela fait très longtemps que je ne l’ais plus entendue. En tous cas merci et un grand bravo!
Même commentaire que précédemment : merci à vous!
BRAVO pour les photos
Néanmoins , ‘ BLOSS ‘ signifie « DENUDE » en allemand , il s’agit donc d’une déformation du language , en fait initialement il s’agissait d’un ‘DERRIERE NU ‘
Merci pour la précision, j’ai corrigé la traduction en ce sens!
merci pour l’éclairage,et j’attends d’autres présentations de cette Cathédrale qui nous est chère,jacques
Merci de vous être intéressé à mon travail. Pour ce qui concerne d’autres présentations sur la cathédrale, avez vous déjà cliqué sur les mots clé « Cathédrale de Strasbourg » dans la colonne de gauche, ou tapé « Cathédrale » dans l’onglet de recherche général?
Je vous aide un peu : http://www.strasbourgphoto.com/tag/cathedrale-de-strasbourg-2/
Il était temps que quelqu’un rappelle que le tympan a été refait au 19e siècle. La même remarque vaut pour le vitrail censé produire le fameux « rayon vert ». Une remarque sur le nom Camille. Il signifie en latin antique et médiéval « assistant du culte, servant de messe »(Voir dictionnaire). Or, il existe une version de la légende qui se réfère aux dérapages d’un chanoine avec un enfant de choeur.Le sculpteur qui a rajouté le jeune homme sur le démon l’avait peut-être à l’esprit. Mais ce n’est pas nécessairement le sens originel de la sculpture.
Merci pour le commentaire. Tout lire, tout voir et tout savoir sur le rayon vert : http://www.strasbourgphoto.com/le-rayon-vert-de-la-cathedrale-de-strasbourg/